5 janvier 2016 2 05 /01 /janvier /2016 22:46
Et si 2016 était l'année de la raison ?

Ces moments sont rares, mais parfois les questions posées à une société sont fondamentales et engagent des valeurs qui disent ce que nous sommes. Nous vivons un de ces moments, avec la discussion actuelle sur la déchéance de nationalité.

Certains disent les socialistes pris au « piège » de ce débat. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je pense plutôt que cette question nous oblige à revisiter nos fondamentaux socialistes, nos valeurs essentielles. D'ailleurs, si piège il y a, il faudrait en reconnaître la paternité au président de la République et à son gouvernement socialistes, ce qui engagerait la responsabilité du Parti socialiste à réfléchir d'ici 2017…

Bien que cela ait été largement commenté, mieux vaut redire ici de quoi il s'agit. Et d'abord redire, et avec force, ma conviction que notre pays vit des heures graves et que tout doit être mis en œuvre pour lutter contre le terrorisme. Mais lutter efficacement.

Deux propositions sont donc débattues : déchoir de leur nationalité française les personnes binationales condamnées pour terrorisme, voire déchoir aussi de leur nationalité ceux et celles qui n’auraient que la nationalité française.

C'est sur la première proposition que la gauche a commencé de s'élever, à raison, puisque cela revient à créer deux catégories de Français·e·s, les binationaux et les autres. L’égalité est pourtant inscrite au cœur de notre devise républicaine : un·e criminel·le est puni·e pour son crime et pas en fonction de qui il/elle est. C'est un principe fondamental et il n’y a pas de compromission possible avec un principe fondamental.

Pensant calmer les débats, est venue ensuite une seconde proposition qui revient, elle, à autoriser la création d’apatrides. Mais qui peut penser que la gauche va baisser les yeux alors qu'il ne s’agit que d’une remise en cause d’un droit humain fondamental, consacré par l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ? Priver quelqu’un de toute nationalité c’est, comme le disait Hannah Arendt, le priver du « droit d’avoir des droits » : elle, elle y voyait le début du totalitarisme.

Voilà pourquoi ces propositions sont dangereuses. Sans compter que, comme même leurs promoteurs le reconnaissent, elles ne serviront à rien dans la lutte contre le terrorisme.
Pire, en avalisant l’idée que les terroristes seraient par nature non français, exogènes, elles nous empêchent de réfléchir sur ce qui est un fait : des Français·e·s, né·e·s en France et y ayant passé la majorité de leur vie sont devenu·e·s terroristes. Le reconnaître, c'est commencer à penser prévention, parce qu'aucune annonce répressive, et surtout pas la déchéance nationale, ne fera réfléchir des terroristes prêt·e·s à mourir. En revanche, l'indignité nationale pourrait répondre au besoin de symboles, qui peut être légitime, sans remettre en cause nos fondamentaux.

Comme le dit Anne Hidalgo, nous avons « besoin de politiques qui produisent des résultats » : les postures et impostures en cours deviennent insupportables.

Alors, puisqu'il est de tradition en ce début du mois de janvier de faire des vœux, voici le mien : que 2016 soit l'année de la raison et des fondamentaux. Que nous sortions, en tant que Nation, de la surenchère et des tactiques politiciennes. Je fais le vœu que les évènements tragiques que nous avons vécus nous permettent de gagner en maturité politique et citoyenne, qu’ils nous poussent enfin à nous poser les bonnes questions et à mener des débats sérieux sur ces sujets complexes.

La France est debout après cette terrible année 2015, mais les Français·e·s ont besoin de penser leur présent et leur avenir. L'emploi, la jeunesse, l'écologie, l'éducation, la culture... À ces questions prioritaires nous devons aussi trouver des réponses sensées et opérantes.

Pour cela, nous avons besoin de retrouver le sens de nos grandes valeurs et l’envie de les transformer en réalité.

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commentaires

G
Bonjour chère Gaëlle et Merci de tes voeux.<br /> Je t'adresse les miens en retour pour toi, ta famille, les Amis.<br /> Voici ce que j'ai écrit au sujet de la Nationalité, il y a quelques jours, en commençant par la question : Ne s’agit-il pas ici d’une action du Gouvernement et du Chef de l’Etat sur la double nationalité ? Il est déjà écrit que les personnes qui ne remplissent pas les conditions relatives à la perte de la nationalité française par déclaration peuvent être autorisées par décret souvent dit de « libération des liens d’allégeance » à perdre la qualité de Français, à condition de posséder une nationalité étrangère.<br /> Certes, cela ne résoudra pas les problèmes actuels qui secouent notre Pays, mais comment se sentir proche d’un individu qui porte la nationalité française en commettant ou voulant commettre des attentats sur le sol qui les a accueillis? De tous ces jeunes déboussolés par la perte des repères à la Nation (adieu le service national, malheureusement), le manque d’emploi et l’argent facile avec, pour commencer, la drogue, puis le bourrage de crâne et l’acte ignoble de plus en plus répandu, que va devenir la FRANCE que nous allons léguer à nos descendances?<br /> Très amicalement à tous,<br /> Gilbert de Pertuis (76 ans) qui dispose d'une seule nationalité et la respecte.<br /> <br /> Ps) Je n'irai pas à l'apatridie ...
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